Entretien avec Patrick Sagnes

‘Wooden Hut’, Patrick Sagnes

Dans son travail ‘Wooden Hut’, Patrick Sagnès nous emmène dans les bois, pour une balade poétique, loin des rues et de l’agitation de sa vie citadine.

Chaque image nous invite à nous perdre davantage dans un monde confidentiel ancré dans la chair des jours. 


Bonjour Patrick, quel âge a cette série et dans quel contexte a t-elle commencé ?


Je ne me rappelle plus quand cela a commencé. Comme souvent dans mes projets, il y a

eu plusieurs envies qui se sont télescopées. Ce que je me souviens c’est comment j’ai été frappé par le nombre de cabanes dans la foret derrière chez moi.

En observant ces constructions, il m’a paru comme une nécessité absolu de conserver en image ces fragiles vaisseaux. Le moment était aussi propice pour moi de ralentir, mes promenades régulières dans les bois me permettaient de me poser.

La chambre grand format s’est aussi imposée, comme un cérémonial, il fallait que je passe du temps à l’écoute des bois. Après 2 ans, j’avais une collection d’images comblant mes attentes.

Tes images traduisent un désir d’expérimentation. Au delà de l’association de portraits, de paysages et de natures mortes, tu oses le mélange couleur / noir et blanc et des fonds colorés. Comment en es-tu venu à à ces choix esthétiques ?


Ce qui au départ ressemblait à une photographie de typologie comme l’avait fait Bernd et Hilla Becher avec les châteaux d’eau me semblait être une récit trop linaire à mon goût. Je sentais quelque chose mais je n’arrivais pas à le formaliser, le projet est alors resté en standby une année de plus.

Les portraits datent de la même époque, ils venaient rythmer ma recherche personnelle. Ce sont des proches qui comptent pour moi, il ne pouvait en être autrement quand on évoque une partie intime de soi.

Les natures mortes sont comme des satellites, elles arrivent sans raison. Elles répondent à la pensée en cours mais ne sont pas volontaires. Il n’empêche qu’elle ont un sens et viennent s’intercaler comme des points scintillants dans le ciel.

La création est incertaine, chaotique, incontrôlable, je ne cherche d’ailleurs plus à savoir d’où elle vient et encore moins où elle va. Ce que je sais c’est qu’elle me traverse, je la distille tel un filtre.


Peux-tu choisir une image dans ce corpus et nous la présenter en quelques mots.  

Il s’agit de la première image à l’initiative du projet, de ce point précis est partie l’interprétation de ce que représente pour moi une cabane .

Tout au fond de moi vit un lieu secret. Une cabane cachée au fond des bois inaccessible où je viens entreposer mon bric-à-brac, d’odeurs, de sons, de sentiments, des parcelles de moi sans âge.

Ma cabane abrite autant de liens vers le passé intime dont seul je suis capable de savoir où ils mènent. En tout cas il font de moi ce que je suis.


Quel sort réserves-tu à ces images ? As-tu des projets en tête ?

La photographie chez moi est le besoin vital d’exprimer ce que j’ai à l’intérieur, du coup une chose est sûre je n’en attends rien de particulier. Au mieux j’essaye d’imaginer comment mes images pourraient parler dans un souci d’universalité. Mais aussitôt faites elles ne m’appartiennent plus. Seul le regard des autres en est désormais dépositaire.

Je vois instagram comme un outil de narration interactif, il me permet de faire des séquences, un premier pas qui prépare à la publication d’un livre.


Merci Patrick , d’avoir répondu à mes questions. L’équipe Fragment souhaite longue vie à ce beau projet.

Safia Delta

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